gemLe 11 février dernier, dix ans tout juste après la loi de 2005, qui entre autres, voyait la création des groupes d’entraide mutuelle, plus de trois cent personnes s’étaient réunis dans l’amphithéâtre Larroque du Ministère de la santé et des affaires sociales, qui était comble. Claude Finkelstein, présidente de la Fnapsy, organisateur principal de ce colloque, a même précisé que du monde avait été refusé, faute de place, pour cette nouvelle rencontre qui faisait suite à quelques autres à Paris et à Lille, la première ayant eu lieu au même endroit en 2000. Il faut donc croire que les GEMs, cet objet médico-social insolite voire non-identifié, intéressent et polarisent tout un tas de réflexions au sujet du handicap psychique.

Le fil rouge de la journée était chronologique. Ainsi, les trois artisans des groupes d’entraide mutuelle (Fnapsy, Unafam, Croix Marine) ont pu revenir sur la genèse et le laboratoire d’idées lié à la création des GEMs. Puis, place au devenir immédiat de ces structures, avec une intervention de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Le présent fut évoqué par l’intermédiaire de deux tables rondes sur le parrainage et le rôle des animateurs. Enfin l’après-midi était consacrée à la remise des prix du concours de logo organisé un an auparavant, et la diffusion d’un documentaire réalisé par les usagers du GEM Vannes Horizon.

Les deux premières sessions ont particulièrement retenu notre attention. M. Jean Canneva, président d’honneur de l’Unafam, a tenu à insister sur le parcours psychiatrique, même si ce sont les usagers qui, selon lui, savent le mieux en parler. Faire exister la population des personnes malades lui semble fondamental. La loi sur le handicap de 1975 ne reconnait pas la fragilité psychique en tant que telle. Dans les années 50-60, de nouveaux médicaments ont supprimé 50000 lits. Toutefois, la culture psychiatrique est restée et reste encore souvent hospitalo-centrée  et M. Canneva rappelle à cet égard un recours du conseil des psychiatres auprès du Conseil d’Etat pour empêcher la constitution de foyers pour les malades psychiques dans la cité. Pour reprendre la main, il fallait définir la population concernée. Trois critères furent retenus : l’intelligence, la médicamentation et le caractère non stable ni définitif de la pathologie. Sur ce point, pour définir cette dernière, les arguments du DSM, selon le président d’honneur de la Fnapsy, sont nuls et ce document est fait pour les psychiatres, pas pour les usagers. L’évaluation du nombre de personnes concernées aura été délicate. Elle était pourtant nécessaire pour faire pression sur les pouvoirs publics. Le nombre de 500000, soit 1% de la population, bien au-dessous de la réalité, démontre déjà à quel point les places en logement accompagné ou en SAMSAH et autres SAVS sont insuffisantes.

Les GEMs, s’inspirant de l’expérience des associations, se voulaient instaurer la démocratie des malades pour répondre de manière radicale à la culture psychiatrique et au manque de reconnaissance des pouvoirs publics vis-à-vis de la parole des personnes en souffrance. Aussi, il fallait fonder les GEMs sur trois principes. La liberté : celle d’aller et venir dans la structure, l’égalité : face à la souffrance, et la fraternité : chacun est le garant de la protection des autres.

M. Canneva conclut sur « deux bonnes nouvelles » : les scientifiques se rendent compte que la compétence est du côté des usagers, et les politiques de même. Dans ces conditions, l’éthique des Gems a de l’avenir.

Bernard Durand, président des Croix Marine, a souligné l’importance de la notion d’utopie dans la genèse des GEMs. La loi a changé beaucoup de choses avec la création de 337 groupes. Toutefois, seul 83 % des GEMs ont une association d’usagers ce qui est insuffisant. M. Durand est alors revenu sur l’ancêtre des groupes : les clubs thérapeutiques, les clubs d’usagers, le club des peupliers à Paris et l’Autre Regard à Rennes. Il juge que l’entraide mutuelle et la solidarité sont une forme de compensation du handicap, d’autant plus que, au sein des Gems, il n y a pas de soignant pour dire ce qu’il faut faire. Nonobstant, la destigmatisation reste un travail de longue haleine.  L’intervention des usagers dans la formation des psychiatres appartient à ce registre.

Le député Denys Robiliard a rappelé qu’il n’entendait rien à la psychiatrie avant de conduire un rapport sur cette thématique. Ce qui lui semblait déterminant, réside dans le fait qu’avant d’être un usager en psychiatrie, la patient est un citoyen, ce qui pose la question des droits. Et on ne saurait restreindre les droits des malades psychiques par rapport aux autres malades. Le citoyen est un acteur et il convient, selon le député, d’entendre en premier les représentants d’usagers dans le cadre de cette notion en vogue d’empowerment. M. Robiliard a alors évoqué le cas des médiateurs de soins, dont l’émergence répond au concept de pair-aidance, déjà mis en place dans certains services à Lille. Il a conclu sur la loi de 2011 qui a sapé le travail de déstigmatisation en faisant très mauvaise presse aux malades psychiatriques.

La deuxième partie ouvrait sur l’avenir. Mme Cuvillier de la Direction générale de la cohésion sociale commençait en rappelant que, dans les années 2000, on parlait déjà d’empowerment et que cette idée est devenue très vite volonté au sein de l’OMS et de l’Europe. A cet égard, les GEMs sont perçus comme une bonne pratique comme les SISM (Semaine d’Information en Santé Mentale) et CLSM (Comité local en santé mentale). La DGCS souhaite avoir une place dans la construction du parcours de la personne par le biais d’outils de compensation et de prévention. Ainsi, les objectifs des groupes ont été quantifiés dès l’origine : trois cent GEMs prévus et mis en œuvre sur l’ensemble du territoire ce qui répondait aussi à un réel besoin dans le cadre d’un souhait de l’accès à tout pour tous, précisé déjà dans le Cahier des charges des Gems. L’avenir, c’est le travail avec les usagers et la CNSA. Des travaux ont débuté pour confronter ce qu’est devenu le dispositif par rapport aux intentions initiales. Quatre axes ont retenu l’attention en raison de leur récurrence : un autour du public des GEMs ; un autre sur le fonctionnement interne (articulation entre parrain et GEM) ; un troisième concernant les partenariats (notamment cas de la MDPH) : enfin, le dernier interroge les relations avec l’ARS. Des propositions font déjà évoluer le Cahier des charges : la formalisation juridique va ainsi évoluer, par exemple, pour mieux préciser le rôle du parrain en tant que médiateur, garant de l’esprit du GEM, ou pour établir une fiche de poste type d’animateur de groupe. Un dernier item concerne l’évaluation qualitative, qui demeure difficile. Pourtant, une étude devrait être menée à court moyen terme sur la base d’un panel de cinq usagers par groupe ainsi que des accompagnants afin de mener une analyse croisé du fonctionnement des GEMs.

M. DUPONT de la CNSA a pu faire des annonces encourageantes en des temps budgétaires difficiles : en 2014, vingt-cinq GEMs ont été créés grâce à des crédits supplémentaires et surtout en 2015, la subvention augmentera (revalorisation des moyens pour renforcer les groupes existants ). L’évaluation permettra de conforter et de valoriser ce qui se fait. M. DUPONT a également évoqué la question du rapport des groupes à leur environnement.

10 ans après la loi de 2005, le combat pour l'accès à tout pour tous est encore long !

10 ans après la loi de 2005, le combat pour l’accès à tout pour tous est encore long !

Ce première session a pu nous surprendre. L’avancée des mentalités en région parisienne concernant le handicap psychique, rappelle que dans le Tarn, et en province en général, le chemin pour l’accessibilité universelle est d’autant plus long qu’il faut surtout et d’abord gagner la guerre des esprits. Toutefois, il convient de remettre ces propos dans leur contexte, c’est-à-dire celui d’un congrès d’une association d’usagers militants. Aussi, nul ne doute que la réalité des groupes, qui est aussi diverse que leur nombre, car ce sont les usagers et leur degré d’autonomie qui font le GEM, est très éloignée des échanges proprets et polis de salon auxquels nous avons pu assister. De même pour les critiques de Mme Finkelstein à l’endroit des CLSM qui choisiraient, pour certains, des usagers triés sur le volet. Pour représenter les usagers, il faut pouvoir être en mesure de s’exprimer et de ce fait, disposer d’une forme d’autonomie accrue. Fort en idées, mais faible en réalité de terrain, tel était le mot d’ordre de cette première partie du colloque.

Tags:

Comments are closed