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Christelle Lépine est une comédienne qui avait depuis longtemps des envies d’écriture. Elle nous livre son premier essai en la matière, qui se situe à mi-chemin entre le roman et le théâtre. Ce choix est assumé par l’auteure, qui a, désormais, un pied dans le monde littéraire, et, un pied dans la sphère théâtrale.

La forme est des plus originales : il s’agit d’un monologue. Au-delà de la double casquette portée par C. Lépine, cette configuration fait sens au regard de l’histoire abordée, celle d’une passion avec toute la portée dichotomique de ce terme, entre construction et dévastation. Comme sur scène, l’auteure recourt au procédé de mise en abîme, en choisissant comme narratrice Adèle, l’une des protagonistes de cette romance très charnelle, qui raconte aux passagers du la ligne 7 bis du métro parisien, sa rencontre avec Henry, jusqu’au moment où elle découvre que la singularité de ce dernier s’avère être un handicap.

Henry est, en effet, bipolaire, même si le nom de sa pathologie n’est pas évoqué dans l’écrit. Là encore, mise en abîme formelle, mais aussi sur le fond : Adèle racontant son histoire est dans une forme d’irréalité. Elle s’adresse à des voyageurs sans vraiment les voir, dans une ligne de métro, qui tourne en rond. La question du rapport à la réalité, récurrent dans les pathologies psychotiques, est ainsi soulevée en trame principale de la narration, alors même que cette narration évoque l’irréalité dans laquelle Adèle s’est retrouvée après son coup de foudre avec Henry.

Dans un style assez coloré, truculent, et assez juste, Christelle Lépine pose le problème de la vie sentimentale face au handicap, et plus spécifiquement face au handicap psychique. La question du rapport à l’autre, de la juste distance sont des points névralgiques des pathologies englobant ce type de handicap. L’Amour fusionnel d’Adèle et Henry est sociologiquement voué à l’échec dès la première ligne de ce roman-monologue, un peu comme Madame Bovary était le suicide le plus improbable de la littérature française, pour reprendre Durkheim.

Même si la psychiatrie œuvre pour inclure le malade dans la cité, une barrière invisible demeure entre la normalité de la population globale et la singularité des handicapés psychiques. En termes de sociabilité et, de ce fait, de vie intime, leur champ semble limité et contraint à leurs seuls semblables, ce qui correspond également à une société des étiquettes, qui classe, qui clive, et qui communautarise, en fonction des identités et des revenus. Là encore, le roman-monologue de Christelle Lépine semble compter une histoire à la marge de la réalité de la majorité des bipolaires et des schizophrènes. Toutefois, elle nous invite au rêve et ose traiter une problématique qui a été très longtemps tabou, notamment pour les usagers en institution.

À lire sans modération…

Christelle Lépine, Adèle et Henry, Éditions d’un Monde à l’Autre.

Achat directe auprès des Éditions d’un Monde à l’Autre : commande@mondealautre.fr ou en ligne : http://www.mondealautre.fr/boutique/adele-henry-o37.html   

Christelle Lépine sera présente au salon Feuilles d’automnes des écrivains handicapés et des autres, à la Maison internationale de la Cité universitaire de Paris, le 18 octobre. Cette manifestation est consacrée, cette année, à l’écriture du handicap au féminin.

Vous pouvez, enfin, entendre une interview de l’auteure dans la rubrique « À voir, à entendre » du site de l’éditeur.

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