psy-actuDimanche 24 janvier 2016, le JT de France 2, dans son édition de 13h15, présentait un reportage sur les urgences de l’Hôpital Sainte Anne à Paris. Le ton était poli, très poli, trop poli pour être honnête. On demeure confondu de voir comment le service public se permet d’offrir une vitrine de communication à cet hôpital. Certes, il présentait divers cas avec différents degrés de souffrance psychique, mais celle-ci semblait largement euphémisée. On a montré ce qu’on a bien voulu nous montrer : des patients dociles, une équipe soignante souriante et accueillante, et un temps d’attente réduit.

C’est à la lumière du dernier numéro de Charlie Hebdo (n° 1227 du 27 janvier 2016) que l’on comprend mieux ce coup de pub pour les urgences psychiatriques, qui découle clairement d’une volonté politique : faire la chasse aux psychanalystes au profit d’une psychiatrie, à la merci des pouvoirs publics, devenue machine à fabriquer des handicapés psychiques, le symptôme du patient étant sacrifié sur l’autel de la sacrosainte rentabilité. Tel est le sens de l’article édifiant de Yann Diener, qui rappelle aussi à quel point les professionnels de santé sont malmenés par des coupes budgétaires drastiques. Yann Diener y invective la HAS (Haute Autorité de Santé), et ce qu’il considère comme « ses bras armés » (ARS) en raison de la « mutualisation des moyens », qui entraîne, de fait, et contrairement à la volonté affichée de cette instance, une homogénéisation des pratiques au profit des thérapies comportementales, dont les résultats sont prétendument plus immédiats donc moins coûteux.

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Édifiant également, l’entretien, publié dans le numéro, avec Sandrine Deloche, qui explique comment « on transforme des enfants turbulents en enfants handicapés ». Avec le tout psychiatrie, un symptôme demande un médicament, et un comportement devient un handicap. La médecin pédopsychiatre de Paris revient ainsi sur la notion débattue de handicap psychique. Beaucoup de praticiens ont dénoncé, à l’instar de Patrick Coupechoux (1), ce qui pouvait constituer une dérive « éthique et politique », même si, à titre personnel, nous considérons que ce concept ouvre paradoxalement la voie à une histoire citoyenne de la maladie mentale, à l’empowerment, et bien d’autres notions (pair-aidance… ).

Au sein du GEM Horizons, cette notion de handicap psychique est débattue. Le président Jean-Pierre Bernard, en particulier, y est opposé en ce sens qu’elle fait porter, selon lui, la responsabilité des troubles sur la personne en souffrance. Et beaucoup sont sensibles à cet argument, en des temps où les discours officiels culpabilisent les faibles et les inactifs en les accusant de se satisfaire de leur situation qui est qualifiée d’assistanat. Horizons s’est même positionné dans le débat, sous l’impulsion de son président, en décidant d’accueillir le Centre d’Accueil Psychanalytique (CAP) dans ses locaux, quand le GEM est fermé. Sans tomber dans l’antipsychiatrie, écueil possible pour un groupe d’entraide mutuelle, Horizons se positionne contre certaines dérives de l’institution.

Et n’est-ce pas le rôle d’une association d’usagers en psychiatrie, autrement dit d’un groupe d’entraide mutuelle, de faire porter la parole de la personne en souffrance psychique et de constituer un contre-pouvoir conscient et efficace à cette fin même si la plupart des soignants, fort heureusement, adhérent à la Charte du patient et respectent une certaine déontologie en dépit de restrictions budgétaires grandissantes qui nuisent à la qualité du soin ?

Voir le site de Charlie Hebdo

(1) P. COUPECHOUX, Un monde de fous : comment notre société maltraite ses malades mentaux, Paris, Seuil, 2006, 432 p.

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